Depuis quelques années les attaques et les actions des "anticorridas" sont plus nombreuses plus insidieuses et parfois violentes et bénéficient de soutiens très médiatiques.
Même si ces actions, parfois très virulentes, ne sont pas prêtes d'aboutir en France, il n'en demeure pas moins que les aficionados doivent réagir et doivent avoir la liberté d'assister aux spectacles taurins.
Si un jour cet abolitionnisme atteignait la corrida il est certain qu'alors les prochaines victimes seraient la course camarguaise, les abrivados et tous les spectacles taurins.
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Le campo bravo, une longue histoire
L'histoire s'approche des 200 ans chez Eduardo et Antonio Miura, ganaderia fondée en 1842 par Juan Miura.
Le portail le plus célèbre d'Espagne.
Les plus beaux fauves croissent et se multiplient dans la campagne andalouse, sous l'oeil vigilant d'une poignée d'hommes qui les connaissent par coeur.
VOUS quittez Séville par la nationale 431 en direction de Cordoue. A une soixantaine de kilomètres, la petite bourgade de Lora del Rio: vous prenez à droite en direction de la Campana. Encore une dizaine de minutes et, tel Ulysse devant Nausicaa, vous voici au lieu-dit Zahariche devant le portail de la ganaderia la plus prestigieuse du monde de l'aficion: celle de don Eduardo Miura.
Ici, à vrai dire, on n'entre pas dans un élevage de toros de combat, on pénètre dans une mythologie. Ici, les toros ne sont pas seulement ces fauves de plus de 600 kilos qui vous fixent de leur pré à une vingtaine de mètres, ils sont «dans votre tête», vecteurs inlassables d'images, de récits, de couleurs qui vous portent et vous transportent comme ceux qu'a peints Picasso ou chantés Lorca et Rafael Alberti. (L'huma 1994)
"L'embarque" chez Miura.
Eduardo et Antonio Miura, à la tête de la ganaderia Miura.
Une merveille du "campo".
Continuité à Zahariche
Juin 2007, 7 heures précises. Eduardo ouvre le portail de bois surmonté de deux massacres blanchis, face à une borne kilométrique marquée du fer de Miura. Dans le premier cercado un nuage de poussière progresse le long de la barrière.
A l’abri de tout regard indiscret, la corrida de Pamplona fait son exercice. Eduardo consent à expliquer puisque le secret est éventé. « Les toros ici nous les avons toujours bougés. Mon tatarabuelo Eduardo le faisait, et son frère Antonio avant aussi… ». Puis comme pour s’excuser : « Les Miura, nous avons toujours fait les choses sans éprouver le besoin de le dire… ».
Dans le patio de Zahariche les vaqueros s’affairent. Un tracteur rentre du campo, suivi d’un cavalier. Le calme ambiant pourrait inciter à la routine, mais ce n’est pas le cas. Plus les toros sont, calmes plus on se méfie. L’orage peut tonner à n’importe quel moment, sans avis préalable.
Le printemps Andalou se termine et avec les prémices de l’été le campo pend l’allure d’une tostada dorée. Les taons hargneux commencent à harceler les bêtes, exaspérant même les plus placides. Si tant est qu’il y en ait.
Doucement vallonnée Zahariche est bien plus complexe qu’il n’y paraît, avec ses courbes de niveau qui s’entrecroisent et multiplient les paysages. La pente générale descend au Nord vers le Guadalquivir, Lora del Rio, profond sillon tracé dans les riches plaines céréalières qui, passé sur l’autre rive, escaladent la Sierra Norte vers Constantina. D’autres terres à toros, moins riches, plus austères. La corrida de Pamplona reprend son souffle. Grande, haute, épouvantablement armée. Sans parler des idées que l’on devine derrière chaque frontal frisé ou rêche. Depuis plusieurs semaines les toros occupent le premier cercado, la vitrine de la ganaderia, pour s’habituer à l’embarcadero, aux hommes, à la promiscuité. L’herbe sèche n’est pas rase et une fine poussière grise se transforme en nuage sous l’effet d’une brise légère.
La tension est palpable même si le professionnalisme des cavaliers occulte le danger. De loin, au repos, rien ne semble différencier les miuras des autres toros. Mais de près leur masse et leur taille s’imposent, surtout quand ils s’approchent des chevaux. De six cent cinquante à sept cents kilos…
« Esta como tiene que estar », dit laconiquement Antonio en traquant le moindre détail. La marque Miura est déposée depuis longtemps. Elle tient en deux mots : volume et caractère. « Mon frère et moi nous ne nous sommes jamais mis devant, concède Eduardo, mais nous sommes à leur contact tous les jours au campo. Nous connaissons parfaitement leurs difficultés et leur manière de faire. L’autre jour, par exemple, nous avons passé un quart d’heure à quelques mètres d’un de ceux prévus pour Zaragoza qui avait reçu une cornada dans la cuisse. Il nous tournait le dos, tête baissée, sans bouger. À peine avons-nous fait demi-tour qu’il a mis un coup de corne à l’un des chevaux ! ».
Le propos d’Eduardo est empreint de fatalisme. Mais ce sentido inhérent à la race, chacune des cinq générations de ganaderos a pris soin de le préserver, voire parfois de l’accentuer………
Le culte du secret.
Une corrida qui part, un cycle qui s’achève. Quatre ans de labeur minutieux, de soins méticuleux et d’attention permanente. Plus que nulle autre depuis un siècle et demi de sélection, la ganaderia de Miura reste imprévisible et ses toros un mystère. Braves ou démons, ils sont toujours l’inconnue de l’équation. La part bienvenue de l’aléatoire dans un spectacle qui tend à se standardiser.
Textes choisis dans l'opus 20 de la revue Terres Taurines (André Viard)
Matin d'avril.
Matin riruel, lumière aveuglante. La brume de chaleur tamise les tons pastels d’un rideau flouté. Lumière presque irréelle qui accentue la beauté éphémère de cette terre rude que l’été va bientôt dessécher. Quelques vautours maigres planent tristement… Derniers conciliabules, dernières précautions. Un toro prévu s’est blessé. Il faut en embarquer un autre au débotté, le conduire des champs vers l’embarcadère sans la mise en condition préalable dans le grand cercado du devant où un mois avant leur départ pour les arènes les taureaux prennent leur repères, s’habituent à la présence humaine plus pressante, au couloir d’embarquement.
Le chemin est balisé de cavaliers immobiles, sentinelles discrètes trahies par l’envol des tourterelles. Les bœufs connaissent leur mission. Envelopper puis conduire, sans temps mort ni arrêt, sans laisser au toro surpris dans ses pâturages le temps de réaliser qu’il l’objet d’une traîtrise. La dernière. Et qu’au bout de cette cavalcade effrénée dans laquelle l’entrainent ses faux frères, un cajon noir l’attend, d’autres couloirs sombres puis enfin de nouveau la lumière aveuglante d’une fin d’après-midi de printemps. Celle de la Real Maestranza dont l’albero spongieux offre au rituel immuable un écrin ocre et blanc. Séville féria d’avril. Plus que Madrid en mai ou Pamplona en juillet c’est ici que se perpétue l’histoire puisque c’est ici qu’elle a commencé. Maestranza et Miura, deux noms indissociables, deux légendes associées. Plus d’un siècle et demi d’amours jamais contrariés et de séduction mutuelle permanente.
À l’approche du cercado de triage l’allure s’accélère. Le piège se referme. Enivré par la galopade le toro pourrait encore se retourner, prendre racine dans un coin du cercado et y défendre pied à pied son indépendance. Alors il faut ruser, lui laisser croire qu’il galope vers la liberté, qu’au bout de ce couloir étroit qui pourtant se referme c’est la quiétude du campo qu’il va bientôt retrouver. Tout juste a-t-il le temps d’entrevoir le cavalier qui prend la tête du cortège, tandis qu’il sent sur ses arrières la pression des poursuivants, un autre cavalier suivi par une demi-douzaine d’immenses cabestros qui entre lui et l’autre dressent un écran blanc enveloppé d’une nuée de poussière, dans le tumulte des sabots martelant la terre sèche puis le bruissement feutré qui accompagne la progression de la troupe dans les hautes herbes que nul n’est venu manger dans ce couloir étroit bordé de hautes travées. Hautes herbes vertes qui ont pourtant la couleur du pêché. Pourquoi ces maudits cabestros ne s’arrêtent-ils pas plutôt que de pousser à la course ? Derrière, imposant de maîtrise et de force, un des meilleurs cavaliers d’Andalousie.
Antonio Miura est maestro cavalier comme d’autres le sont du toreo. La référence obligée, un modèle d’orthodoxie campera, le gardien des secrets parfois oubliés et d’une mémoire que peu partagent encore. De la pointe de sa garrocha il dirige le galop, oriente la course mouvante des cabestros, prévient le moindre écart, anticipe tout ralentissement synonyme de retour de flamme. Que l’allure faiblisse, que les toros s’orientent, et coincé entre les deux murs de traverses le cavalier serait pris au piège de son audace. Toute fuite est impossible, tout retour est interdit. La place de derrière est celle de l’accidenté si au dernier moment un taureau se retourne plutôt que de pénétrer dans le corral blanc, quand l’herbe verte cède la place à la poussière grise, les barrières de bois à de hauts murs de ciment, que les cabestros s’esquivent et qu’un nouveau couloir noir s’ouvre. La liberté ? L’enfermement.
Tristesse: Dans le ciel de Zahariche les vautours faméliques planent tristement. "Autrefois, déclare le ganadero, la nouriture des vautours était assurée toute l'année par les vaches ou les toros qui mouraient au campo. Aujourd'hui quand un toro meurt au campo il faut l'incinerer, ce qui est facturé au ganadero. Les vautours meurent de faim et la Junta de Andalucia lève un impôt pour les alimenter. On est en train de créer un écosystème artificiel. L'équilibre est en danger".